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Le message des dragons

Avant 2000, quand l’Occident évoquait les nouvelles puissances économiques d’Asie- dont la Corée du Sud - on parlait d’« états-tigres » ou « dragons » dans un mélange d’admiration et de peur. Car nous avons, de par nos légendes, une perception négative du dragon. En Asie, celle-ci est assez différente.

En effet, chez nous le dragon incarne une énergie sacrée et spirituelle. Ce sont des animaux composites, créés par une volonté supérieure, et donc quasiment des créatures multiculturelles ! Les dragons incarnent la puissance, la longévité et la protection. Autrefois, leur puissance symbolique était réservée aux rois. Aujourd’hui nous sommes libres de les imaginer comme nous le voulons. Le titre de notre pièce veut donc expliquer que nous avons le pouvoir de décider nous-mêmes de nos vies et de notre avenir.

L’idée que nous pouvons maîtriser notre destin incarne parfaitement l’esprit de votre pièce, née en plein Covid-19. En raison de la pandémie, les jeunes danseurs que vous avez sélectionnés dans cinq pays asiatiques différents n’ont pas pu vous rejoindre à Séoul et sont présents sous forme de projections holographiques, alors que les danseurs permanents de votre compagnie dansent en live.

Pour choisir ces jeunes, nés en 2000, nous sommes allés, moi et tous mes danseurs, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande et au Japon. Nous voulions comprendre comment cette génération vit et voit le monde : Comment s’y déroulent leurs études, comment y regarde-t-on un spectacle ? Ensuite, la pandémie est arrivée. Nous avons dû annuler nos voyages au Vietnam et à Taïwan et avons continué le travail par la vidéo, pour les auditions comme pour la création.

Ces interprètes appartiennent à la fameuse génération Z pour laquelle il n’y a rien de plus naturel qu’internet et le smartphone. Par contre, créer une chorégraphie est un concept très ancien qui repose sur la présence. Et soudain, vous étiez obligés de passer par le petit écran. Dragons est donc l’une des créations les plus profondément impactées par la pandémie.

En plus, cette génération est frappée par les confinements, juste au moment de devenir adulte. Ces jeunes vivent dans une grande instabilité, mais sont ouverts à beaucoup de choses. De mon côté, Dragons m’a ouvert à d’autres façons de concevoir la présence sur scène, alors qu’avant, je n’étais pas intéressée par la technologie. Nous avons appris et inventé beaucoup. Par exemple, il n’est pas facile de créer une chorégraphie face à une webcam, quand droite et gauche sont inversées ! Pour rendre les choses plus intuitives, nous avons tous dansé avec un gant sur la main droite…

On pourrait imaginer qu’après la pandémie, les millenials vous rejoignent pour danser Dragons en « présentiel ».

Je pense que nous ferons plutôt une nouvelle pièce avec eux. Quand ils auront terminé leurs études universitaires et seront pleinement libres et adultes, nous voudrions les retrouver pour travailler sur la possibilité de surmonter les souvenirs de cette période, qui est assez sombre pour eux. Il sera intéressant de garder Dragons au répertoire tel quel, comme témoignage des conditions si particulières de sa création.

Avec sa vitalité et son optimisme inhérent, Dragons est exactement ce que le public a besoin de voir en ce moment. Un vrai dragon d’Asie !

C’est ce que nous nous sommes dits, quand nous avions terminé le travail. Ces jeunes danseurs viennent de religions, situations politiques et conditions économiques très différentes, mais tous ont une pratique de danses traditionnelles. Chacun a donc créé un geste et l’a transmis aux autres, ce qui a formé un langage universel, nourri par leurs cultures respectives. Car ce n’est qu’ensemble que nous pourrons surmonter les difficultés actuelles !


Propos recueillis par Thomas Hahn