HONJI WANG nous parle de la création YOUME

UNE AFFAIRE DE FEMMES FORTES
Honji Wang, avec YOUME, vous orchestrez votre deuxième rencontre avec le monde du flamenco. La première était le duo Felahikum, où vous étiez en scène avec Rocío Molina. Qu’est-ce qui différencie les deux créations ?
Quand nous avons créé Felahikum, nous n’avions que trois semaines pour les répétitions et j’ai toujours voulu faire un travail plus approfondi. Ensuite, Rocío était obligée de privilégier les tournées de ses propres productions. Nous avons donc songé à une transmission de la pièce et Rocío a donné son accord. Mais je voulais en même temps raviver la matière de ce croisement entre hip hop et flamenco, en ajoutant un univers musical, avec un instrument joué sur scène. Et nous avions envie d’une mise en perspective grâce à un instrument neutre par rapport au flamenco et au hip hop.
Plus qu’une rencontre hip hop/flamenco, ne s’agit-il pas d’une rencontre entre deux personnes ?
Et même entre trois personnes ! Nous sommes en effet parties de l’idée de base de Felahikum, mais le travail a vite pris une direction assez différente, puisque nous sommes trois caractères très distincts. C’est donc un vrai trio, créé par des personnalités féminines fortes. Cependant, il n’a pas été possible d’intégrer Elsa Guiet directement puisque le violoncelle a besoin de l’appui sur sa pique et ne peut donc pas bouger dans l’espace. Et pourtant, les trois se sentent comme des entités qui font le spectacle ensemble. Elles sont par ailleurs très soudées et s’intéressent vraiment les unes aux autres.
Comment s’est déroulée la rencontre entre vous et les interprètes, et plus particulièrement entre les deux danseuses ?
C’est Rocío Molina qui nous a mis en contact avec Sara Jimenez. Je connaissais déjà Kalli Tarasidou qui vient des battles hip hop. YOUME est sa première production au théâtre. La rencontre entre les deux s’est faite sous une tension certaine, vu qu’avant de rencontrer quelqu’un, on se ren¬seigne aujourd’hui dans les médias sociaux où chacun donne une image idéalisée de lui-même. Aussi Sara se demandait comment elle pourrait exister sur scène face aux prouesses acroba¬tiques de Kalli et voulait miser sur sa capacité à dramatiser sa danse. Inversement, Kalli se de¬mandait comment elle pouvait contrer la présence de Sara. Aussi chacune voulait se présenter à l’autre sous le meilleur jour. Mais elles étaient en même temps très ouvertes et avaient envie d’apprendre l’une de l’autre.
La scénographie est faite des ventilateurs qui servaient déjà dans Felahikum. Est-ce plus qu’une simple récupération ?
Dans leur intégralité, ces machines à vent sont une sorte de quatrième personnage, une instance neutre et peut-être mythologique qui agit sur l’espace, crée un lien avec le temps et veille sur les émotions des interprètes. Cela donne un appui, mais crée aussi le vent qui agit sur les per¬sonnages et s’empare de leurs sentiments. Et nous continuons à chercher de nouvelles manières de les intégrer dans le spectacle.
Propos recueillis par Thomas Hahn