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Le chorégraphe burkinabé Salia Sanou s’est impliqué dans des camps de réfugiés du Sahel en guerre. Cet engagement, et les sensations qu’il a éprouvées, nourrissent « Du désir d’horizons », une création pleine de densité, que vient encore irriguer l’univers de Beckett. Pour aller plus loin, découvrez la parole de l’artiste sur ce projet et sur son parcours.

Quel est le point de départ du projet ?

À l’automne 2013, en rentrant d’une mission au Burundi pour African Artists for Development (AAD) où, pendant une semaine, j’ai pu travailler dans un camp de réfugiés avec les artistes qui interviennent au sein du programme « Refugees on the Move », de nombreuses images et impressions me sont revenues: alignement des cabanes et des toits de tôle, les enfants qui courent, leurs cris, leurs sourires, les regards des adultes dans lesquels tant de questions sont suspendues. Dignité et attente d’un horizon qui s’ouvre. La peur aussi, celle de mourir là, de ne pas pouvoir construire un avenir. Dans ce lieu hors du temps, où l’histoire semble s’être arrêtée, les liens aux autres et au monde semblent perdus. De 2014 à 2016, j’ai conduit plusieurs ateliers dans les camps de Sag-Nioniogo et de Mentao au Burkina Faso dans le cadre de ce même programme, conduit par AAD. Au Burkina, trois camps rassemblent plus de 35000 réfugiés maliens ayant fui la guerre. Plusieurs danseurs m’accompagnaient dans cette aventure. C’est de cette vie et de cette intensité dont j’ai voulu témoigner car elle évoque pour moi le lien fort qui peut se tisser du côté du vivant dans une situation de désespoir.

La création repose aussi sur une matière littéraire…

Au départ, il y a mon engagement dans les camps de réfugiés, puis la lecture bouleversante de Cap au pire de Samuel Beckett, publié aux Éditions de Minuit. Ces deux axes sont indissociables dans cette création. S’il s’agit de ce que j’ai éprouvé en tant qu’artiste dans les camps de réfugiés, je crois encore et encore que les mots me manquent pour arriver à décrire la violence et les conditions de vie indignes et insupportables. Très vite j’ai compris que c’est par la danse et seulement avec la danse que je pourrais témoigner et partager cette expérience. Ne pouvant utiliser le texte de Beckett pour des raisons de droits, j’ai découvert Limbes, « Limbo/Un hommage à Samuel Beckett » de Nancy Huston qui faisait clairement écho au texte de Beckett. Ce texte résonne en moi comme une partition absolument indissociable de la danse et de l’espace chorégraphique que j’imagine. Il s’inscrit de façon universelle et totalement contemporaine dans un lieu où la dimension de solitude et celle de l’altérité se croisent sans arrêt pour illustrer en même temps l’obscur et la lumière, tout en amenant un plaisir langagier jubilatoire et signifiant propre au désir d’horizons.

Quel a été le processus de travail ?

Je peux dire que Du désir d’horizons n’est pas un spectacle sur les camps de réfugiés à proprement parler ; mon propos n’a rien du documentaire ni du témoignage. Je laisse ce travail à la presse et aux réseaux sociaux qui relatent quotidiennement les horreurs des personnes déplacées et violentées. Il s’agit d’une composition où le vocabulaire chorégraphique laisse la place au sens et à la réflexion sur la situation délicate des réfugiés et sa résonance en chacun de nous. Le découpage que j’ai opéré dans le texte de Nancy Huston se veut comme une infime partition posant ainsi des mots sur mon indicible… L’horizon c’est le futur, c’est l’espoir, dès lors je m’autorise à rêver un monde meilleur sans en gommer la cruauté et l’absurdité. Ainsi le travail avec les interprètes se déplie en tableaux qui s’inscrivent dans une traversée où tous les possibles peuvent advenir.

Journal du Théâtre de la Ville // avril-juillet 2018


Danse

1214 avr. 2018

Du désir d'horizons

Salia Sanou