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Installé à Porto et aujourd’hui artiste associé au Centre chorégraphique national de Caen, Marco da Silva Ferreira interroge nos identités, en train de se recomposer. quel rôle pour l’héritage culturel dans un avenir techno-centrique, quels possibles pour nos sensibilités sexuées?

Bisonte met en scène des corps puissants cachant des âmes sensibles. Pourquoi cette dichotomie ? Relèvet-elle de la fusion ou de la division ?

MARCO DA SILVA FERREIRA : Je cherche ici un corps transgénérationnel, un cyborg chez lequel on trouve aussi des références à la sculpture antique et aux archétypes du féminin et du masculin. Ces corps sont très liés aux sports, ils sont toujours en train de se prouver à eux-mêmes qu’ils sont disponibles pour aller au combat. En même temps, je voulais aller vers un corps plus intuitif et émotionnel et vers une relation à l’autre basée sur la douceur. La raison est que j’ai un corps masculin alors qu’émotionnellement je me sens plus proche du modèle identifié comme féminin. Je voulais donc travailler sur les conflits inhérents à un corps puissant avec un intérieur aux émotions plus délicates, voire mélancoliques.

Dans le même esprit, vous croisez les identités du masculin et du féminin. Dans quelle intention ?

M. D. S. F. : Ce groupe d’interprètes est très particulier. Je voulais deux hommes aux corps très sculpturaux et virils pour les détourner de cette image. Ensuite, trois femmes atypiques pour réclamer là aussi des identités non figées. Nous devenons ici des caméléons qui performent des identités, ce qui correspond à ma propre fluidité entre les genres ! Par ailleurs, deux des femmes sont en couple et la troisième évolue entre le féminin et le masculin. Mais ces éléments ne sont pas le thème de la pièce qui ne se veut ni politique ni revendicative. Je voulais plutôt travailler sur un cocktail autobiographique de mes propres émotions.

Comment faites-vous entrer l’animalité, autrement que par le titre ?

M. D. S. F. : Le bison m’a intéressé parce qu’avec son corps immense et puissant cet animal a l’air guerrier alors qu’il est herbivore et une proie plutôt qu’un prédateur. Je m’intéresse ici aux fantasmes que nous projetons sur lui. Je n’ai pas demandé aux danseurs de représenter des animaux, mais en quelque sorte notre travail sur des références sportives et grotesques nous a amenés vers l’émotion. Et un corps émotionnel est plus animal qu’un corps rationnel. Par ailleurs, nous partons aussi de l’image du paon, comme approche plus poétique de la masculinité.

Dans vos pièces, vous faites régulièrement référence aux danses urbaines, alors que vous n’êtes pas B-Boy. Quelle est votre relation au hip hop ?

M. D. S. F. : J’ai commencé à danser en pratiquant les styles urbains comme le popping ou le krump, dansés debout. Mais dans cet univers où l’on s’affronte beaucoup, je n’arrivais pas à trouver ma place. En créant brother, je partais du fait que les danses urbaines sont afro-descendantes et très en fusion avec les rythmes. Il est vrai aussi que je pratique une danse très énergétique. J’ai été nageur de compétition pendant longtemps, ce qui m’a légué une approche très minutieuse dans la préparation du corps. Dans Bisonte, la scène est comme une arène où on affronte un adversaire. Mais à la fin, ça parle plutôt de lutte amoureuse et de coeurs brisés.

En 2012, vous avez travaillé avec Hofesh Shechter, comme interprète de Shelter. Qu’avez-vous appris avec lui ?

M. D. S. F. : À ne pas avoir peur d’aller sur scène pour pousser l’énergie collective au maximum ! J’ai aussi appris beaucoup sur la composition chorégraphique, la déconstruction de phrases chorégraphiques et comment composer des mouvements de groupes. À ce moment, je cherchais mon identité artistique. Mais bien entendu, nos travaux respectifs ne se ressemblent pas. Aujourd’hui, je cherche l’identité du corps que je veux représenter sur scène.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Danse

0407 mars 2020

Bisonte

Marco Da Silva Ferreira