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Elle se dit volontiers chorégraphe « enragée » plutôt qu’« engagée » : face à cette « rabbia que nous inspire l’injustice du monde », Maguy Marin déploie une écriture chorégraphique animée par « l’urgence d’agir », comme le proclame le titre d’un documentaire réalisé par son fils, David Mambouch. Une urgence qui n’exclut toutefois pas la patience d’un cheminement, à l’instar de May B, une pièce qui reste formidablement actuelle, plus de 35 ans après sa création.

Un documentaire sur votre travail, L’Urgence d’agir et une exposition, accompagnent à l’Espace Cardin la reprise de May B. Alors que son esthétique était en rupture avec les codes de l’époque, c’est une pièce qui a d’emblée rencontré un large public, qui en est aujourd’hui à plus de 750 représentations dans le monde entier, et qui reste formidablement actuelle.

Maguy Marin : Le succès n’a pas été immédiat. À l’époque de sa création, le milieu de la danse était tout de même assez réactionnaire. Ce qu’apportait May B, un certain rapport au corps, au sexe, à la saleté, était mal perçu. Je ne saurais dire pourquoi, à un moment donné, cela s’est renversé. Peut-être parce que May B touche des endroits très profonds de l’humain, aux sensations et aux émotions qui traversent nos vies, aux relations entre les uns et les autres, aux rapports de connivence et de complicité mais aussi de rivalité que nous entretenons. Ce que montre May B est très simple : quelqu’un entre avec un gâteau et tout le monde veut bouffer ; c’est la fête de quelqu’un mais chacun est prêt à tout pour avoir sa part. D’une certaine manière, c’est une métaphore d’un état du monde, et nous en sommes encore là, à accepter des rapports de domination et de pouvoir, à ne cesser de se faire la guerre les uns avec les autres. Mais il y a aussi, dans May B, beaucoup d’humanité et de tendresse. Alors, oui, cela parle à tout le monde. J’aimerais bien qu’il en soit ainsi de toutes mes pièces.

Face à certaines reprises de pièces chorégraphiques, on a parfois la sensation que la forme peut s’enrichir d’une plus grande précision technique, mais que s’estompe une part de la saveur interprétative des origines. Or dans May B, cette qualité d’interprétation est intacte.

M. M. : Il y a aujourd’hui dans la pièce des danseurs qui ont 60 ans et qui sont là depuis le début, et d’autres qui ont une vingtaine d’années. Depuis 37 ans, plus de 100 danseurs l’ont interprétée. À chaque fois reviennent les figures qui habitent la pièce, comme elles traversent les textes de Beckett où je suis allée les chercher. Et cela passe par le danseur ou l’acteur, mais ce n’est pas leur personnalité qui est en jeu, ce sont des figures qui prennent corps à chaque fois que la pièce se joue : c’est nous tous, ce n’est personne en particulier.

Le poète argentin Roberto Juarroz dit qu’« entre la solitude et la compagnie il est un geste qui ne commence en personne mais se termine en tous. » Cette formule pourrait s’appliquer à May B, mais aussi à toute votre œuvre ainsi qu’à votre philosophie de travail. Dans L’Urgence d’agir, vous parlez d’effacement dans l’acte collectif, mais d’un acte collectif qui permet à chacun de chercher sa façon d’exister.

M. M. : Depuis toute jeune, ces questions-là me font vivre : comment on peut faire des choses ensemble sans que cela devienne une horde et que chacun garde sa personnalité, sa richesse, son regard critique. C’est une quête difficile mais je ne vois pas d’autre intérêt aux choses, que ce soit dans une compagnie de danse, dans l’organisation d’un lieu comme Ramdam que j’ai créé à Sainte-Foy-lès-Lyon, ou de façon plus générale dans la société.

Propos recueillis par Jean-Marc Adolphe.

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